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Le brouillard était dense sur la ville de Quimper, saisie par le froid nocturne de l’hiver naissant. Particulièrement sur les quais de la rivière qui coupait la ville en deux montaient des émanations entêtantes venant de l’eau nauséabonde. Il était près de minuit passé, des spectres de la nuit semblaient surgir des bouches d’égouts débouchant sur la rivière. Soudain à la hauteur de la préfecture, la sirène stridente d’une ambulance troua le silence. Les volets métalliques des derniers commerces encore ouverts firent un gros bruit inquiétant à cause de la violence soudaine du claquement des lattes résonnant dans l’écho de la nuit. Sous les lumières blafardes des lampadaires on distinguait une ombre longiligne et furtive qui avançait sous les arbres dénudés. 
Les arbres avaient pris leur manteau d’automne. Les feuilles clairsemées dans la brume donnaient aux troncs et aux branches une apparence d’épouvantails déguenillés. La rue principale de Quimper ressemblait à celle d'un faubourg londonien.

Raphaël Le Bras, peu rassuré,  marchait à grands pas dans cette semi-obscurité. Sa silhouette élancée se distinguait dans la pénombre des quais de l’Odet. Une mèche rebelle détrempée par la pluie lui tombait sur la moitié du visage. L’air vif de la nuit avait rougi ses pommettes. Ses baskets fluorescentes se reflétaient sur le sol détrempé comme de petites étincelles de lumière dans la nuit noire. Le haut de son corps disparaissait sous son duffle-coat gris souris. Il avait l'apparence d'un garçon assuré malgré son jeune âge. Son visage fin de forme ovale lui donnait l’aspect d’un jeune bien dans sa peau.  Pour se rassurer, plus que pour se diriger, Raphaël sortit son smart-phone qu’il utilisa comme une lampe torche. A ce même moment celui-ci sonna de façon surnaturelle dans la nuit quimpéroise. Le son d’un air connu de Daft Punk se fit entendre. Encore un appel d’un de ses fameux copains plus intéressés que fiables. Il lui proposait de sortir en boite de nuit mais lui demandait de lui faire l’avance du billet d’entrée. Raphaël le congédia sans ménagement.

La ville était devenue son quotidien, son habitude. Il s’y trouvait comme un poisson dans l’eau, pas de la rivière de l’Odet, bien sûr.  Cela lui changeait bien de son ancienne vie lorsqu’il se trouvait dans sa petite maison à la campagne avec sa famille, ses parents et son petit frère. Il avait toujours coutume de les retrouver, une ou deux fois par mois, lors d’un repas convivial. Il en profitait alors pour se goinfrer et faire le plein de nourriture un peu comme les chameaux qui se remplissent d’eau avant d’attaquer le désert du Sahara. 

Il n’était pas très économe et, de temps en temps, pour changer de la routine, il s’achetait des petites broutilles pour décompresser et s’amuser. De ce fait, il avait acheté une guitare électrique qu’il utilisait peu à cause du boucan infernal qu’elle occasionnait, lorsque Raphaël se prenait pour une star de hard rock. Il se gavait également de jeux vidéo dont il se lassait vite après quelque temps. Il les revendait pour moins cher sur Internet pour pouvoir accéder à d’autres divertissements. 

Il était rêveur et très imaginatif, il avait plusieurs projets en tête. Ainsi il s’imaginait en leader d’un groupe de musique faisant des tournées dans le monde entier ou encore en peintre de génie qui réaliserait des tableaux pour les revendre et gagner de l’argent, beaucoup d’argent. Cela, c’était le rêve, l’idéal de la réussite pour lui, mais il revenait parfois sur terre et revoyait alors ses ambitions à la mesure de ses réelles capacités.  De voir ses portraits pour les anniversaires ou cadeaux de Noël de ses amis, qui lui faisaient des prix d’amis justement, suffisaient à le tranquilliser en tant qu’artiste amateur. Il entretenait une sorte de don de créateur qu’il avait reçu de son père, lui-même artiste à ses heures perdues. Pour Raphaël, la grande difficulté c’était qu’il ne finissait jamais ce qu’il entreprenait. Cela engendrait chez lui un sentiment de frustration que l’on retrouve d’ailleurs chez de nombreux artistes plus illustres que lui, mais cela il n’en avait rien à faire.

Il avait des rêves d’évasion, de voyages dans le monde, mais il n’avait pas le courage de partir, il se demandait pour quoi faire là-bas et s’il y arriverait seul.














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