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	Il faisait toujours nuit quand Ethan monta dans son bus, il enleva son écharpe en laine et s'assit dans le même siège que d'habitude, du coté de la fenêtre qui était gelée par le froid. Il pouvait y voir son reflet, il faisait au moins cinq ans plus âgés que son âge, on lui aurait donné trente deux ans. Ses yeux, marron, étaient fatigués, il ne pouvait plus sentir son nez, qui était maintenant rouge comme celui d'un clown, à cause du froid de novembre. Ses petites lèvres tremblotaient encore, il n'y a jamais eu de chauffage dans ce vieux bus ! Ethan essuya la vitre avec sa manche de manteau marron. Maintenant, il ne pouvait plus voir son reflet, mais il pouvait voir dehors, cette belle ville de Canada en Ontario, appelée Ottawa. 
	Il pouvait voir les rayons du soleil qui se cachaient derrière les immeubles, ces rayons en or qui brillaient à travers le ciel humide, reflétaient sur les flaques d'eau de la vieille route fissurée. Les rues s'illuminaient progressivement. Il y avait de plus en plus de personnes sur les trottoirs, toutes sortes de personnes, des grands, des petits, des gros, des maigres, des vieux, des jeunes, des riches, des pauvres, des touristes, des habitués, des pressés, des traîneurs, même des célébrités de temps en temps. Ethan connaissait le prénom de pratiquement tout le monde, depuis son enfance, il avait toujours essayé de parler avec le plus de personnes possible. Il n'avait pas vraiment d'amis proches, sauf son frère jumeau, mais ça faisait bien longtemps qu'Ethan n'avait pas parlé à son frère, depuis cet accident de voiture. Ethan faisait des efforts pour aller rendre visite à son jumeau à l'hôpital toutes les semaines, mais ça le rendait triste de le voir dans ce sommeil profond depuis déjà sept mois.
	Le bus passa devant un parc. Ce parc lui rappelait des bons souvenirs d'enfance, c'est même là qu'il promenait son chien, Wouf, tous les jours. Le parc était vide, les enfants étaient sûrement à l'école. Les balançoires bougeaient lentement en arrière, puis en avant, le sable du bac à sable était marron et s'envolait dans le vent.
	Premier arrêt, les portes du bus s'ouvrèrent. Une vieille dame entra dans le bus et s'installa devant Ethan et commença à lire un journal, Ethan lui avait déjà parlé deux ou trois fois mais c'était une dame assez timide et elle n'avait jamais grand chose à dire. Le bus redémarra, la ville s'était éclaircie très vite et les lampadaires s'éteignirent tous d'un coup comme des bougies sur un gâteau d'anniversaire gigantesque lorsque quelqu'un souffle dessus. 
	Quelle heure était il? Ethan remonta sa manche droite et regarda sa montre avant de se souvenir qu'elle était déréglée. Il expira doucement :un nuage d'air chaud de ses poumons mélangé avec l'air hivernal du bus sortit de sa bouche. Il avança sa tête vers le siège de devant et demanda à la vieille femme :
	« Excusez-moi, Mme Parlebocou, pourriezvous
me dire l'heure s'il vous plaît? »
	La dame regarda sa montre qui était bien plus belle que celle d'Ethan et lui répondit d'une petite voix peureuse :
	« Sept heures vingthuit.»
	Le bus était plus lent aujourd'hui, Ethan allait être en retard, la deuxième fois cette semaine, son patron n'allait pas apprécier. Il souffla une deuxième fois et passa sa main dans ses cheveux châtains, bouclés, qu'il tenait de son père. Il colla son front à la fenêtre et continua de regarder dehors.
	Deuxième arrêt, la vieille dame descendit du bus, Ethan l'observait en train d'ouvrir la porte d'entrée dee son magasin avec une paire de petites clefs. Il y avait déjà des gens qui l'attendaient dehors pour acheter des fleurs. Même s'il était très tôt, il y avait quand même des dizaines de personnes sur les rues. On s'approchait du troisième arrêt, Ethan remit son écharpe mais elle était accrochée à son bouton de manteau. Il tira sur l'écharpe d'un coup sec, l'écharpe se libéra, le bouton tomba au sol. 
	« Pas encore! », s'exclamatil, maintenant il lui manquait trois boutons. 
	Ethan sentit le moteur de l'énorme véhicule qui ralentissait, ce qui le surprit car on n'était toujours pas arrivé au troisième arrêt : il regarda par la fenêtre pour voir pourquoi le bus s'arrêtait. Le chauffeur sortit de sa cabine et révéla à ses passagers qu'il y avait un problème technique avec le bus et qu'ils devaient tous sortir. Ethan se leva de son siège déchiré. 
	« Ce vieux bus est enfin mort! Espérons que demain on en aura un beau nouveau! » dit il à une adolescente qui ne l'écoutait pas parce qu'elle écoutait de la musique. Il descendit du bus et sentit la fraîcheur de l'air sur sa peau, il sentit le pain frais de la boulangerie, il entendit le ronronnement des voitures qui passaient. Il aurait aimé aller au travail à pied plus souvent, mais il aurait fallu qu'il se réveillât encore plus tôt. Il était à environ 200 mètres du restaurant où il travaillait :alors qu'il avait déjà six minutes de retard, il devait s'y rendre maintenant à pied.
	 Les volets des maisons commencèrent à s'ouvrir, les gens lui disaient bonjour en passant près de lui, il marchait la tête haute à travers les rues, comme un lion qui se promène dans la savane. Malheureusement, le bonheur ne dure pas une éternité, une voiture roula à grande vitesse dans une flaque d'eau au bord de la route et éclaboussa le jean bleu d'Ethan. 
	« Bon sang! Il fait exprès! Je suis l'homme le plus malchanceux au monde! 
	-Vous en êtes sûr? » 
	Ethan se retourna, il n'y avait personne. Il baissa les yeux et vit un vieil homme, sale, de mauvaise odeur, pas rasé, maigre, qui était assis sur le sol mouillé. Devant lui il y avait un bout de carton avec quelques pièces dessus. 
	« Oh! Je m'excuse! Je suis Ethan... attendez, j'ai de l'argent si vous voulez! » 
	Ethan mit sa main dans sa poche de manteau, mais il ne trouvait pas son portemonnaie. Il mit sa main dans l'autre poche, toujours rien.
	« … Non! Mon porte-monnaie... il a dû tomber de ma poche dans le bus! »
	Le sansabris s'allongea et commença à dormir. Ethan continua à marcher, il vit sur l'horloge de l'église qu'il était sept heures quarantedeux, douze minutes de retard. Il commença à courir, il y était presque, ses chaussures marron tapèrent dans les flaques, les gens bougeaient de son chemin, il commença à pleuvoir. Il bouscula une jeune fille d'au moins cinq ans qui tomba parterre en pleurant, son père, furieux, donna un coup de poing dans l'oeil gauche d'Ethan et lui aussi tomba au sol juste devant la porte d'entrée du restaurant où il travaillait. Malgré la douleur de son oeil, il leva la tête lentement. Une tristesse immense envahit son corps lorsqu'il vit que le restaurant était fermé, il avait oublié, on était samedi, Ethan ne travaillait pas le samedi.















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